Entretien avec Korab Rashiti de l'UDC
En lutte contre le collectivisme
Korab Rashiti est député UDC francophone du Seeland et membre du parlement. Contacté par notre rédaction, il a accepté de répondre à quelques questions, portant notamment sur son quotidien à Bienne, le libéralisme et la démocratie.
HB: C’est lors de votre passage dans le live du youtubeur Le Guiz que nous vous avons connu. Comment avez-vous découvert Le Guiz? Comment en êtes-vous arrivé à faire ce live ensemble?
KR: J’ai découvert Le Guiz par le hasard des recommandations Instagram, vous savez, le fameux algorithme qui vous oriente ou vous propose le contenu le plus approprié à votre profil. Le Guiz m’a contacté car la divergence entre mon positionnement politique et celui des socialistes bernois coïncidait avec son actualité thématique.
L’actualité politique bernoise montre en effet que ces socialistes tentent de me descendre à la moindre occasion simplement parce qu’ils ne comprennent pas mon positionnement politique. Malgré tout, ils sentent qu’il existe une logique construite face à eux.
Une chose est sûre, quand ils sont face à un vrai libéral, toutes leurs alarmes se déclenchent car le droit libéral et le programme de l’UDC que je défends sont en totale opposition avec leurs idées collectivistes.
Comment vivez-vous le fait d’être de droite dans votre quotidien, notamment à Bienne, ville d’immigration?
Être libéral dans une ville rouge foncé telle que Bienne, c’est être un outsider et en-dehors de l’establishment. Il faut savoir que dans une ville comme Bienne, l’establishment est une réalité, pas une fiction. Quand j’ai vraiment commencé en politique, je me suis tout d’abord mis à m’occuper de toutes les questions qui touchent à la gouvernance de la ville, et grâce à mes compétences professionnelles, je sais où chercher et comment chercher. Voir des sujets tabous exposés au public via des médias et réseaux sociaux dérange beaucoup les politiciens, du parti socialiste au PLR.
Électoralement parlant, aujourd’hui en 2022, en tant que vrai libéral, les chances d’être élu sont faibles, car on ne promet pas de choses «gratuites» ni d’aider une association, etc. Être libéral dans une ville où le taux d’étrangers est de 34% est difficile, car l’esprit libéral est plutôt compris par des individus qui ont confiance en eux et qui ont le désir d’être libres et responsables. Cependant, à Bienne la population étrangère est moins européenne qu’extra-européenne, ces personnes ont toujours vécu dans des régimes autoritaires ou après leur émigration, avec des idées collectivistes, ce qui est donc difficile.
Malgré cela, la majorité de mes électeurs sont des secundos (d’origine italienne, portugaise, espagnole, albanaise, kurde et même africaine), souvent des gens qui se lèvent à 7h et finissent leur journée à 18h avec à la fin, la facture d’imposition qui sert à financer une culture morte, car personne n’est prêt à payer pour cette culture dans un vrai marché libre du divertissement.
La majorité de mes électeurs sont […] des gens qui se lèvent à 7h et finissent leur journée à 18h avec à la fin, la facture d’imposition qui sert à financer une culture morte […].
Korab Rashiti
Comment définissez-vous votre position politique?
Ma position politique est clairement identifiable: libertarien ou libéral. Pour moi, ce qui distingue la gauche de la droite dans un État omniprésent, relève de la croyance et non de faits de nature historique ou de l’anatomie d’ un appareil d’État.
Vous semblez souvent parler de libéralisme. Comment le définissez-vous? Quelle est la différence entre le libéraliste et le libertarien?
Le libéralisme vise à limiter les pouvoirs de l’État vis-à-vis des libertés individuelles fondamentales. Prenons par exemple le droit de propriété, art.24 de la constitution suisse, eh bien celui-ci est violé chaque jour par les parlements.
Le libertarien, c’est l’anarcap [ndlr. anarco-capitaliste], c’est à dire qu’il considère que l’État ne devrait pas exister en tant qu’administration et autorité de coercition.
Pour mettre l’un en parallèle de l’autre: le libertaire l’est dans les moeurs, mais pas forcément sur le plan économique (idée plutôt de gauche). Le libéral serait plutôt un minarchiste [ndlr. partisan de l’état minimal].
Selon vous, qu’est-ce qui doit primer entre les intérêts de l’individu et les intérêts du bien commun?
Les intérêts de l’individu priment. Cependant, puisque les êtres humains, par leur nature, sont obligés de coopérer à des fins de survie, notamment par et pour la création de richesse, ils sont amenés à créer des collaborations plus amples, par un jeu d’assemblages et de convergences communes, sur la base de leurs propres intérêts individuels.
Dans l’idéologie collectiviste, le « nous » prend toujours le pas sur le « je » et ignore la volonté de l’individu.
Enfin il ne faut pas non plus croire en l’existence d’un seul intérêt commun, ceux-ci sont multiples et différent les uns des autres et c’est en cela que l’économie de marché est saine.
Pour vous, un patron devrait-il pouvoir choisir un travailleur étranger au lieu d’un Suisse?
Un patron est un propriétaire de moyens de production privés. Pour vulgariser, son entreprise est sa maison. Le patron a le droit de choisir qui il veut et donc celui de discriminer s’exerce automatiquement. C’est comme toi ou moi, nous pouvons choisir qui peut entrer ou sortir de nos appartements respectifs. Si l’État nous imposait le contraire, nous ne serions pas très heureux.
La question d’embaucher des Suisses au lieu d’étrangers vient d’abord du fait que nous sommes des contribuables et que nous vivons donc dans une forme de collectivisme qui donnerait droit à imposer à quelqu’un une règle dans sa propre propriété, c’est tout le problème duquel nous devons sortir.
Le libéralisme n’a-t-il pas permis la concentration des biens immobiliers dans les mains d’une minorité de gens aisés?
Très bonne question. Prenez le PIB annuel par habitant en Suisse, il est d’environ 86’000 CHF. Réfléchissez un instant et posez-vous la question suivante: où vont mes revenus? Lisez entre les lignes; entre le salaire brut et le salaire net, l’État s’occupe de vous ponctionner une partie automatiquement, puis les impôts, les taxes diverses, les factures SERAFE, les monopoles détenus par l’État comme le système de santé s’additionnent et vous vous rendrez vite compte qu’une grande partie de vos revenus transite par l’appareil d’État. Je connais assez bien l’Albanie, là-bas dans un foyer où le revenu annuel s’élève à 14’000 euros, tu possèdes un appartement de 100m2 au coût unitaire de 60 000 euros, tu as une voiture et vas au resto et parfois même en vacances en Turquie ou dans une ville européenne.
Il y a beaucoup de mythes dans notre pays, personne ne comprend plus rien car très peu de gens prennent du recul ou osent regarder les faits avec froideur. 68% d’entre nous sommes locataires de notre logement alors que nous sommes au top 3 mondial de la richesse produite par tête d’habitant. De plus, le PIB tel qu’il est présenté ne veut rien dire, il faudrait le calculer après ce que prend l’état. Après ces prélèvements-là, il devrait tourner autour d’une moyenne de 40’000 CHF maximum.
La création de lois sur les cartels ou anti-trusts démontre par exemple que le libéralisme mène à des situations de monopole. Seriez-vous pour l’abolition de ce type de lois?
L’Etat de droit crée des lois qui conviennent à certains cartels, celui de la santé par exemple. Mais je vous assure que l’État est en soi le plus grand cartel et monopoleur de notre économie. Posez-vous la question, pourquoi malgré les 84 milliards circulant dans le système de santé suisse, manque-t-il encore des moyens dans ce secteur? Car dans un monopole il est impossible de connaître le bon rapport qualité-prix. Par ailleurs, le système de santé suisse est un scandale économique et une bombe à retardement; une supercherie collectiviste se cache derrière.
Le système de santé suisse est un scandale économique et une bombe à retardement; une supercherie collectiviste se cache derrière.
Korab Rashiti
Finalement, quelle doit être la limite du libéralisme? Ne pensez-vous pas qu’un libéralisme absolu affaiblit le pouvoir politique et permet à des intérêts privés de s’ingérer dans les affaires des États?
La limite du libéralisme est basée sur la loi, la loi naturelle, les contrats entre individus ou organisations privées.
La mission des politiciens qui ont de la morale et de l’éthique aujourd’hui en 2022, est d’abord de faire respecter la constitution suisse, cependant je pense que ceux-ci restent minoritaires. Une social-démocratie dure juste plus longtemps qu’un régime socialiste, mais à voir les Verts ou les socialistes d’aujourd’hui, je pense que l’État peut s’effondrer sur lui-même et créer quelque chose de dangereux à mes yeux, parce que les gens iront toujours vers un homme ou une femme providentiels, souvent cet homme ou cette femme sera totalitaire dans sa pensée et appliquera celle-ci.
Une social-démocratie dure juste plus longtemps qu’un régime socialiste, mais à voir les verts ou les socialistes d’aujourd’hui, je pense que l’État peut s’effondrer sur lui-même et créer quelque chose de dangereux […].
Korab Rashiti
Que pensez-vous de la démocratie? Permet-elle l’avènement d’une société plus libre et responsabilisante ou au contraire, l’émergence d’un système socialiste et aliénant?
La démocratie qui permet de violer les droits naturels des minorités n’est rien d’autre qu’un communisme mou. Si demain la démocratie décide à 50,1% que les propriétaires d’appartements devront se collectiviser alors cela créera de gigantesques tensions en Suisse. D’ailleurs cette idée a été testée par les socialistes en proposant de collectiviser le 2ème pilier de chacun de nous…
La démocratie a permis à des régimes totalitaires d’arriver au pouvoir et donc ce n’est pas une garantie des droits des individus, je pense qu’il est bon de le rappeler.
Souvent les gens parlent de la séparation des pouvoirs, je doute personnellement fortement que cette séparation existe et ça me fait très peur notamment dans le contexte d’évolution actuel.
La démocratie qui permet de violer les droits naturels des minorités n’est rien d’autre qu’un communisme mou.
Korab Rashiti
Que diriez-vous à cette jeunesse qui ne croit plus à une solution politique?
Je voudrais leur dire qu’il est minuit moins cinq, qu’il faut essayer d’arranger les choses, mais les arranger avec moins d’État et pas avec plus d’État. Donc si on parle de solution politique, cela veut dire réduire l’appareil d’État et faire respecter la constitution de notre pays, la Suisse. Les lectures des oeuvres de Ludwig von Mises, Hans-Hermann Hoppe, Rothbard ou encore Hayek vous feront comprendre ce qui doit être privilégié politiquement. Ce n’est pas en essayant toujours la même chose qu’il faut s’attendre à un résultat différent, disait Einstein…
Soyez critiques envers chaque message émis par les politiciens, les médias, les écoles ou autres institutions financées directement ou indirectement par l’État… à partir de là commencera votre réflexion politique et votre bonne compréhension du libéralisme des Lumières. Une chose encore, favorisez la décentralisation à la centralisation, l’Union européenne c’est la centralisation… vous êtes prévenus.