Les pittoresques traditions de vendetta albanaises dans les Préalpes vaudoises
Enrichissement intracommunautaire
Villars-sur-Ollon est un village se situant à mi-chemin entre Tirana et Pristina.
«Il a essayé de me planter entre 50 et 60 fois, avec des mouvements de balayage, sans s’arrêter», a raconté Drilon*, mardi, devant le Tribunal veveysan. «Quand j’ai vu son visage, j’étais tétanisé par ce qui était en train de se passer. J’aurais voulu me défendre, mais j’étais bloqué», se souvient ce vingtenaire.
Son agresseur, c’est Kushtrim*, qui bossait avec lui dans une entreprise active dans l’assainissement de conduites. Après avoir poignardé un homme et écopé de 4 ans de prison pour tentative de meurtre en 2016, ce Kosovar, âgé de 29 ans, se retrouve devant la justice pour des faits similaires.
Un jour d’avril 2021, sur un chantier de Villars-sur-Ollon (VD), Drilon confie à Kushtrim avoir rencontré une jeune fille travaillant à la Coop, et qu’il compte lui demander son numéro. Mais sans savoir qu’elle est en réalité la sœur de son collègue. Survient alors ce que le procureur Julien Aubry décrit comme «une réponse ultra violente à ce que le prévenu a pris comme une intrusion sur son territoire familial».
S’étant probablement levé du pied gauche ce jour-là, Kushtrim était un peu soupe au lait. Ne pouvant supporter de voir son honneur familial bafoué, il a défendu son territoire en tentant d’assassiner l’intru qui a osé y pénétrer. Il serait tout de même exagéré de parler d’acharnement après une soixantaine d’essais infructueux.
Frappé à plusieurs reprises avec une pince, un pied de biche et une barre de fer, Drilon a souffert blessures à la tête et au thorax, ainsi que de plusieurs ecchymoses dans le dos et sur le flanc. Kushtrim sera rattrapé par la police quelques minutes après avoir pris la fuite avec le véhicule de service.
Plus d’un an après les faits, il concède être «plus irritable que d’habitude» en période de jeûne ramadan, mais conteste avoir porté des coups de couteau avec une lame de 8.5 cm au plaignant, tandis que ce dernier était désarmé. D’après lui, le plaignant a parlé de sa sœur et de sa famille en des termes peu respectables, expliquant cette «escalade de violence».
Demander le numéro de la sœur d’un kosovar est un acte hautement risqué. Apparemment, dans la culture, une suite de chiffres équivaut à une insulte, une «intrusion sur le territoire familial» qui doit être corrigée par un tabassage en règle à l’aide d’outils de chantier rouillés. Le patriarcat kosovar considère les femmes comme des territoires à défendre et à conquérir. Que font les féministes?
En sévère hypoglycémie, il a ensuite quitté les lieux en camionnette, pressé d’aller se faire péter la panse après une de ces journées de Ramadan compliquées qui semblent affecter légèrement l’humeur de ses adeptes. Est-ce bien raisonnable de se mettre volontairement dans de tels états de carences morbides?
Kushtrim, arrivé en Suisse à l’âge de 2 ans, s’est défendu en disant avoir eu «une jeunesse difficile» suite à l’incarcération de son père notamment, un élément à prendre en compte selon son avocat, Me Ludovic Tirelli. «J’ai dû endosser le rôle de chef de famille à l’adolescence, ça n’a pas été simple. J’ai fait du mieux que je pouvais, par amour pour ma famille. Elle est aussi mon point faible», a-t-il confié.
Convaincu que l’intention de l’agresseur était de tuer ce jour-là, le procureur a requis 7 ans de prison pour tentative de meurtre et lésions corporelles simples qualifiées, et 30 jours-amendes pour injure et menaces. Au vu de la «sérieuse crainte de nouvelle récidive», il a aussi demandé un internement sécuritaire du prévenu, bien que ce dernier refuse toujours de se soumettre à une expertise psychiatrique. «C’est mon droit», a-t-il lancé. Verdict, mercredi.
La fameuse «jeunesse difficile». Véritable fléau de notre époque, elle fait des ravages, particulièrement parmi les populations étrangères. Peut-être est-ce aussi un peu la faute des racistes privilégiés? Ayant connu des déboires similaires, le père du jeune en difficulté nous donne plus de détails sur les traditions kosovares:
«Selon les traditions du Kosovo, j’ai envoyé quelqu’un chez Drilon pour faire la paix», a reconnu le père du prévenu. Des imams qui l’ont dissuadé de porter plainte, complète le plaignant. Le paternel, qui pense qu’il ne s’agit que d’«une simple bagarre au travail», considère que de proférer des menaces physiques ou verbales, et notamment des insultes envers la famille, justifie une réplique. Le quinquagénaire conteste le fait que son fils ait déjà été condamné pour tentative de meurtre par le passé. Pour lui, il était question de «self-défense».
Après ces sages paroles, tout s’éclaire: il ne s’agit pas d’une rixe aux allures meurtrières, mais d’une simple bagarre entre collègues un peu viriles qui aiment jouer des poings. Drilon n’a pas eu un mot sans doute peu élégant en parlant de la jolie caissière qu’il a aperçue à la Coop et qui lui a tapé dans l’oeil, il a plutôt menacé la famille de Kushtrim tout en l’insultant. Solidarité ethnique oblige, les imams ont tout fait pour rabibocher ces deux familles dont les bleds respectifs ne sont sans doute pas très éloignés l’un de l’autre.
Quoi qu’il en soit, le type ne parvient pas encore à contrôler totalement les acquis de ses cours de self-défense. Peut-être faudrait-il songer à lui octroyer des cours de rattrapage lors de son prochain séjour derrière les barreaux. C’est le minimum, lui qui a eu une jeunesse difficile malgré l’éducation exemplaire de son paternel.